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1er oct. 2016-23 jan. 2017 - Muntref Buenos Aires

Mas alla del sonido

L’exposition Mas alla del sonido pose la question du médium du son en tant « que » matérialité et/ou langage propre dans ce croisement avec les arts visuels, la musique et la littérature à travers le regard croisé de six artistes : Eddie Ladoire, Maria Negroni et Pablo Marin, Steve Roden, Edgardo Rudnitzky et Tintin Wulia. En effet, ces artistes, de nationalités différentes, viennent des arts plastiques, de la musique ou naviguent entre les deux, ou encore de la littérature, ce qui n’est pas sans avoir une répercussion sur la nature même de leurs pièces. Et se déploie sous la forme d’un parcours sonore et visuel dans les différents espaces de ce lieu à l’architecture magistrale et porteur d’une histoire, celle de l’immigration argentine.

Eddie Ladoire, compositeur et plasticien, s’intéresse, depuis 2010, au corps sonore même de l’architecture en élaborant avec la série Intimité une cartographie de différents lieux en France et à l’étranger. Il s’agira à Buenos Aires du 5ème opus. Après avoir procéder par un enregistrement minutieux de l’Hotel des immigrants dans ses moindres recoins, il mixe, au montage ces éléments à ceux d’autres natures : compositions électroacoustiques, micro fictions, conversations… La dimension cachée des bruits, leur mélodie est une problématique récurrente de son travail. Cela lui permet de raconter des histoires diverses, en créant des pièces sensibles, le plus souvent, très proches de ce qu’il nomme « un moment de vie ». Le visiteur, muni d’un casque et d’une carte indiquant différents points d’écoute, part à la (re) découverte de ce lieu. Il joue avec l’auditeur-spectateur qui se trouve déstabilisé, la frontière entre réel et fiction est alors fragile. Eddie Ladoire nous invite à repenser notre rapport au son, à l’écoute et à l’espace.

Une des problématiques essentielles du compositeur Edgardo Rudnitzky tourne autour de la question de l’exposition du son : rendre visible l’immatériel. Border Music (2016) illustre cette problématique. Cette pièce sculpturale se déploie en accord parfait avec l’architecture même de l’espace ou elle est installée, c’est- à- dire un long couloir au premier étage du bâtiment. Emettant des fragments sonores, la première perception que l’on peut avoir de cette pièce est celle d’un instrument de musique. Mais par une écoute attentive, l’on prend conscience peut à peu que le son et l’objet sont interdépendants l’un de l’autre et qu’il s’agit véritablement d’un objet sonore.
Par son mécanisme en action, cet objet écrit une « partition musicale » se déployant dans l’espace acoustiquement. L’aspect physique très brut de la pièce rentre en collision avec le caractère très pur du son s’en dégageant. Une forme de décalage s’opère pour le visiteur à la fois regardeur et écoutant.

La question de la frontière et de la façon dont elle affecte les gens personnellement est un thème récurrent du travail de Tintin Wulia. Elle puise pour Babel dans différents textes poétiques d’auteurs du Moyen-Orient, traduits et récités par des poètes indonésiens. Le poème Al Taashira (Le Visa) du poète égyptien Hisham el Gakh constitue le noyau de cette oeuvre. Ces textes portent en eux intrinsèquement la question du déplacement, du nomadisme, problématique s’intensifiant à l’aube du XXIème siècle. Cette pièce sonore est un récit poétique polymorphe à plusieurs voix. Ces langues arabes, indonésiennes et anglaises ont des sonorités et textures propres, lesquelles s’entremêlent pour former une sorte de magma sonore. La lecture par l’écoute devient difficile, accentuée par les effets de résonance donnés aux mots et le volume sonore de certaines voix par rapport à d’autres. Une impression de décentrement se dégage de la pièce et nous invite à la fois à une expérience sonore et physique.

Un autre récit poétique se décline avec l’installation Angelus Novus. Deux écrans sont disposés frontalement de part et d’autre de l’extrémité de l’espace. Sur un des écrans, le film onirique, en noir et blanc, de Pablo Marin accompagné de la musique de William Basinski et sur l’autre écran, un extrait du texte Exilium de la poète Maria Negroni. Une sensation étrange d’un monde finissant se dégage de ce film en super 8, dont la musique accentue cette charge dramatique. En écho, le texte lu par une voix off nous parle de la question de l’exil, des blessures et des manques inhérents. Ces éléments dialoguent entre eux, créant un seul et même récit intime, non linéaire, à trois voix.

Dans cette multi-installation, Steve Roden, plasticien et artiste sonore, établit, lui aussi, des jeux de correspondances visuelles, textuelles ou la représentation du son est intrinsèque à chaque pièce. Dans Striations (2011) il est fait référence à l’acte de produire des sons en évoquant des rituels primitifs, comme celui de cogner des pierres entre elles ou d’autres objets acoustiques. Dans Es oh yu en dee (2015), les images, tirées de films éducatifs des années 40-70, apprennent aux enfants à s’ouvrir à l’univers du son. Même si ces deux vidéos sont silencieuses, l’image joue un rôle puissant d’évocation du son.
En contrepoint, dans Disorder (2016) and Line and faces (2014), les sons extrêmement doux qui s’en dégagent apparaissent comme des présences fantomatiques. Chaque travail semble faire écho aux précédentes vidéos ou questionnements qui s’en dégagent, comme si chaque geste ou langue ou médium ouvre vers une autre porte. L’utilisation et la question de la langue et des mots sont au cœur de Water music (drumming) (2015) et Cascades. Dans les partitions de Water Music (2015), les sons comme les mots revêtent la même importance et sont autant de chemins pour réaliser ou interpréter une partition. Pour Cascades, le texte puise son inspiration d’un vers de la chanson le Rythme de la pluie de 1962. Ces textes traduits dans des langues différentes fournissent des modes de lecture et sonorités multiples. Steve Roden crée un seul et même espace pour des travaux divers rentrant en écho les uns avec les autres, aussi bien que les éléments d’une partition pour une expérience du sensible laissée à l’interprétation de chacun. L’architecture, l’acoustique, la proportion des espaces, le contexte historique sont autant d’éléments qui entrent en résonance avec les oeuvres choisies pour cette exposition. Par cette déambulation dans le lieu, le spectateur est alors confronté à ses propres habitudes perspectives pour ouvrir le champ à de nouveaux espaces cognitifs et sensoriels.

► PDF Catalogue de l’exposition
Eddie Ladoire Steve Roden Tintin Wulia Edgardo Rudnitzky